Déjà 16 ans que la Bugatti Veyron a été présentée au salon de Tokyo dans sa version finale. Celle qui marquait la renaissance de Bugatti sous l'ère Volkswagen a fait basculer le marché de l'automobile de prestige dans une autre dimension. Mais pour en arriver là, le chemin fut long, très long.
Une prestigieuse marque née en 1909
Bugatti est aujourd'hui une marque répandue, même chez un public pas forcément passionné par le marché de niche qu'est l'automobile de prestige. Pourtant, le constructeur avait disparu des radars pendant près de trente ans. La marque fondée par Ettore Bugatti, un immigré italien naturalisé français, a connu l'âge d'or pendant la période d'entre deux guerres. Chaque modèle a laissé son empreinte, mais certaines plus que d'autres. La Type 35 (1924-1931) détient encore aujourd'hui le titre de voiture de course la plus victorieuse de tous les temps, avec pas moins de 2000 podiums et victoires, pour une carrière d'à peine une décennie.
En 1939, Jean Bugatti décède dans un accident de la route à bord d'une Type 57G Tank. Peu de temps après, la seconde guerre mondiale éclate et l'invasion de la France par l'Allemagne n'aidera pas vraiment les affaires d'Ettore Bugatti. En 1947, il meurt des suites d'une pneumonie ce qui donnera le coup de grâce au constructeur, qui ne réussira qu'à vivoter jusqu'en 1963, date de la fin officielle de son activité.
Une réapparition dans les années 1990
En 1987, le constructeur réapparaît sous le nom de "Bugatti Automobili SpA" suite à l'acquisition par Romano Artiolli des droits sur le nom Bugatti. L'idée était simple : relancer le constructeur après 25 ans d'absence en développant une supercar à moteur V12 quadri-turbos de 560ch et en position centrale arrière. En 1991, la Bugatti EB110 est ainsi officiellement présentée sur le parvis de La Défense, à Paris. Alain Delon a même pu prendre place à bord. Elle va faire forte impression dans les années 1990 et va même être engagée durant les 24h du mans lors de l'édition 1994.
Jean-Philippe Vittecoq au volant, Alain Delon en passager.
Les années passent, et la EB110 reçoit même une déclinaison Super Sport, avec une puissance portée à 603ch. La réalité derrière le rêve, c'est que la EB110 est un véritable échec commercial et les problèmes financiers vont rapidement mettre en difficulté le rêve de Romano Artiolli. En 1995, l'entreprise est mise en liquidation judiciaire. Une renaissance de courte durée.
Le phénix renaît de ses cendre
En 1997, l'idée d'un moteur surpuissant de 18 cylindres monte à la tête de Ferdinand Karl Piëch, alors président du Directoire et du Conseil de surveillance de Volkswagen, lors d'un voyage entre Tokyo et Nagoya. Il voulait au départ s'orienter vers Rolls-Royce ou Bentley, mais BMW va racheter ces deux marques dans la foulée. Lui vient alors grâce à son fils l'idée d'une Bugatti pouvant accueillir ce fameux 18 cylindres. Coup de poker, puisque Volkswagen acquiert en 1997 les droits pour le prestigieux constructeur. La machine est lancée.
Des études sont alors rapidement lancées ce qui débouchera sur un prototype quelques mois plus tard, l'EB 118. Le constructeur va alors le peaufiner ce qui donnera naissance à l'EB 218 une année plus tard.
Néanmoins, ces prototypes n'ont rien à voir avec ce que va devenir le produit final. C'est au salon de Francfort en 1999 que la toute première ébauche de la Veyron voit le jour. Il s'agit de la EB18/3 Chiron (oui oui), avec le 18 cylindres positionné en W.
L'EB18/4 Veyron arrive dans la foulée en octobre 1999 lors du salon de Tokyo et c'est précisément le style qui préfigurera la voiture de tous les superlatifs. Cependant, une toute dernière étude a lieu à Paris, avec quasiment le même style, mais équipé d'un moteur amputé de deux cylindres afin de l'équiper de turbos, l'EB 16/4 Veyron. Entre les concepts et le produit final, cinq années vont passer.
Une supercar ultra performante à la facilité d'utilisation déconcertante
Bugatti est en train de devenir une véritable vitrine technologique pour Volkswagen. Le géant a également réimplanté les ateliers dans la prestigieuse usine de Molsheim, en Alsace. Pendant ces cinq années, le W16 8,0 litres quadri-turbos est développé pour la Veyron. L'idée est de construire une super GT hors normes, avec des performances jamais vues auparavant, un confort royal et une facilité d'utilisation impressionnante. La fiche technique a ainsi été fixée : 8l de cylindrée, 1001 chevaux développés grâce au 16 cylindres disposés en W et aux 4 turbos, le 0 à 100 km/h expédié en 2,5 secondes et une vitesse de pointe supérieure à 406 km/h. Les chiffres donnent le tournis et la Veyron sera ainsi la toute première voiture de série homologuée pour la route a développer plus de 1 000 chevaux, et à dépasser la barre des 400 km/h. Le record de vitesse jusque là détenu par la McLaren F1 est sur le point d'être battu.
Le record de vitesse de la Mclaren F1 a été validée à 386 km/h en 1998.
Ainsi, lors de l'édition 2005 du salon de Tokyo, la présentation officielle de la Veyron dans sa version finale fait entrer l'industrie de l'automobile de prestige dans une nouvelle dimension. Prix de base ? 1 200 000 €. Tous les yeux sont rivés sur le stand Bugatti.
10 ans de carrière
Il a été décidé de produire 450 exemplaires En 2008, la Veyron se décline en version roadster avec la Grand Sport. Les phares désormais à LEDs rajoutent une sérieuse touche de modernité au véhicule. En 2010, passage d'un nouveau cap, le W16 atteint 1 200ch grâce à la Super Sport. Cette version bat le record de la Veyron 16.4, en atteignant 431 km/h. En 2012, la version roadster Grand Sport Vitesse, présentée au salon de Genève, complète la gamme.
La Veyron a également eu le droit à de nombreuses éditions one off, telles que la Rembrandt, en hommage au frère d'Ettore Bugatti, la Black Bess, en hommage à la Type 18 "Black Bess", et l'une des plus connues, la Grand Sport "L'Or Blanc", faite de porcelaine.
En 2015, elle tire sa révérence avec l'édition ultime one off Veyron "La Finale", qui est d'ailleurs le 450ème et dernier châssis.
La Veyron, un nouvel échec commercial ?
Le comble de l'histoire, c'est que la Veyron, véritable prouesse technologique connue dans le monde, a été néanmoins un véritable gouffre financier pour Volkswagen. De plus, les 450 châssis prévus ont eu du mal à trouver preneur. Les coûts de développement astronomique révélés par l'institut Bernstein Research concluaient à la perte de près de 4,6 millions d'euros sur chaque unité vendue, ce qui représente une perte colossale de 1,7 milliard d'euros sur l'ensemble de la production.
Un W16 toujours d'actualité
Le W16 de 8 litres officie également au sein de la Chiron, désormais poussé à 1 500ch. Ses déclinaisons Sport, Pur Sport et Super Sport 300+ profitent toujours du même moteur, de même que la Divo.
En aout 2019, la Bugatti Chiron Super Sport 300+ a atteint les 490 km/h.